Plan de traitement

Le plan de soins est toujours bio-psycho-social-existentiel que ce soit pour nos patients ou nous-même. Je simplifie ce modèle holistique de soins en le désignant par les 4 Ps. Puisque nous n'abordons pas les moyens pharmacologiques sur ce site, nous nous concentrons uniquement ici sur les moyens non-pharmacologiques au mieux-être désignés par ces 3 Ps: les aspects psychologiques, pratiques (dont les aspects sociaux) et philosophiques/existentiels. Un vidéo au bas de cette page explique en détails le rationnel de l'approche des 4 Ps. Il faut évidemment personnaliser les approches de soins à ses propres particularités psychologiques, sociales et existentielles. Plusieurs de ces particularités sont en fait relativement communes chez les médecins et étudiants en médecine.


L'ABC des soins non-pharmacologiques pour le médecin en pratique ou en formation: approche Psycho-Pratico-Philosophique



A) S'attarder aux aspects psychologiques du mieux-être: soulager les distorsions cognitives communes chez les médecins et étudiants en médecine

  1. Distorsion cognitive: fatalisme: "Il faut souffrir pour devenir médecin. C'est ainsi et il n'y a rien qu'on puisse faire".

2. Distorsion cognitive: perfectionnisme: "Je dois tout savoir pour ne pas commettre d'erreur et compromettre la vie de mes patients".

    • Suggestion: abandonner immédiatement cette idée d'atteindre la perfection qui n'est qu'un concept. La science est de toute façon dynamique de sorte qu'une "évidence scientifique" aujourd'hui peut être une fausseté demain. Rappelons que les méthodes scientifiques qui permette de définir ces "vérités" scientifiques se basent sur des probabilités selon des résultats d'expériences sur une population donnée pendant un temps limité. Il n'y a aucune vérité absolue, ce sont des probabilités fortes ou faibles dans des situations souvent très circonscrites. Des médicaments promis pour améliorer la vie se sont avérés néfastes a post priori et vice versa. Ceci ne signifie pas qu'il faut tout remettre en doute et ne pas s'attarder à étudier ce qui est enseigné. Au contraire, l'étudiant devrait se fier au bon jugement de l'enseignant et des responsables du curriculum (dont le Conseil Médical du Canada - MCC ou notre répertoire centralisé d'objectifs de formation) pour savoir ce qui lui est important/indispensable de savoir à son niveau actuel dans ses études.

S'attendre qu'un étudiant en médecine connaissent les fins détails utiles aux résidents en spécialité ou au clinicien dans sa pratique au quotidien est inacceptable et promeut cette culture pathologique du perfectionnisme. L'élimination de la recherche illusoire du perfectionnisme est donc une responsabilité autant portée par les éducateurs que par l'apprenant. Pour bien jauger ses connaissances et ses compétences, mieux vaut se fier sur l'autoévaluation de son savoir en se basant sur les objectifs d'apprentissage (du programme MD et du MCC) et sur l'évaluation d'un clinicien-enseignant d'expérience qui, avec le temps, connait le niveau normal de connaissance attendu chez un étudiant.

Il ne faut pas croire que l'étude du contenu complet des présentations données, même les fins détails, représente le savoir total qu'il faut absorber. Bien souvent ces présentations regorgent de détails superflus et inutiles dans le contexte actuel d'étude de l'étudiant. Le contraire est aussi vrai: les présentations peuvent aussi connaitre d'importantes lacunes dans leur contenu. Il faut alors puiser dans d'autres livres de références pour bien comprendre et compléter ses connaissances. Tomber dans l'excès n'est pas mieux: il faut éviter de tout "tout lire" et de "tout apprendre" dans un chapitre d'un livre de référence comme le "Harrison's Principles of Internal Medicine". En pédagogie comme dans toute chose, trop c'est comme pas assez: à tenter de trop savoir, on risque d'oublier ou discriminer des informations essentielles qui se confondent dans trop d'information.

Au niveau des études médicales de premier cycle, vaut mieux se concentrer sur l'échafaudage/la base/les fondements des connaissances que sur les fins détails. Comprendre est plus important que tout savoir. Connaitre les mécanismes, le rationnel d'un traitement ou d'un mécanisme biologique est la principale priorité à ce stade. Savoir où et comment retrouver l'information détaillée au besoin est tout aussi essentiel. Bien connaitre le contenu d'un index d'un livre, c'est avoir une bonne vue d'ensemble d'une matière. Ceci est de loin beaucoup plus important que de savoir les fins détails de quelques chapitres sans comprendre la raison d'être du livre qui devrait surtout transparaitre dans l'index et dans l'introduction.

Avoir des connaissances générales, bien connaitre les "red flags", savoir comment générer des diagnostics différentiels et comprendre les relations entres les symptômes d'un syndrome médical permettra probablement de mieux soigner et sauver des vies que de tenter de tout savoir et ne plus pouvoir discriminer ce qui est important de ce qui ne l'est pas à la fin de ses études.

Si votre cerveau vous oblige à "être parfait" dans vos connaissances malgré tout, cherchez plutôt à très bien étudier et répondre à "tous" les objectifs officiels d'apprentissage. L'idéal par contre serait que vous redéfinissiez le terme "parfait" pour le rendre atteignable dans le contexte des études médicales: "Je fais du mieux que je peux avec le temps que j'ai décidé d'investir dans mes études. Je me rappelle que je deviendrai probablement un modèle pour mes patients, de sorte que je dois aussi m'investir dans ma santé et dans un équilibré de vie. Je ne peux pas me "tuer" dans mes études".

Il existe beaucoup de différentes techniques d'études pour mieux absorber l'information et la retenir:

  • Vous concentrer sur les objectifs d'études, les introductions, des "digest" de la matière à apprendre (Série "Made Ridiculously Simple") et les tables des matières pour d'abord avoir une bonne vue d'ensemble avant de commencer à étudier les détails. Pour faire une bonne farine, ne sautez pas les étapes et ne négligez pas la première mouture.

  • Lorsque vous êtes stressés parce que vous avez l'impression de ne pas en connaitre assez, lorsque que vous sentez que vous êtes en retard dans votre études par rapport à vos collègues, prenez le temps de vous poser ces questions qui vous permettrons de mieux vous réorienter:

            • Pourquoi j'étudie? Pour avoir la meilleure note ou devenir le meilleur médecin possible?

            • Est-ce que ma présente façon d'étudier est optimale? Est-ce que à ce rythme je vais réussir à avoir une bonne compréhension globale de la matière d'ici la fin de mon bloc?

            • Qui peut m'aider durant mes études? Est-ce que j'accepte l'aide offert?

            • Est-ce que ma vie bien équilibrée?

            • Qu'est-ce qui est le plus important dans ma vie?

        • Environnement d'étude

          • Rechercher des endroits propices aux études selon vos propres critères: dans sa chambre, au pied d'un arbre à l'été, à la bibliothèque, dans un café, seul ou avec d'autres étudiants...

          • Limiter les distractions, car il n'est pas facile de retrouver un "momentum d'étude" une fois perdu

        • Se rappeler du processus de l'apprentissage. Il n'est pas vraiment possible de s'en déroger:

          • Apprendre requiert du temps.

          • L'erreur est indispensable à l'apprentissage: apprendre, désapprendre, clarifier, raffiner et nuancer le savoir font partie du processus.

          • L'apprentissage n'est pas un processus linéaire: il est voire mieux de suivre le train de sa pensée et de consulter plusieurs documents en même temps pour mieux apprendre et mieux connecter les neurones...

          • L'humilité dans ses connaissances (savoir qu'on ne sait pas tout) est indispensable à l'apprentissage. Elle encourage même l'apprentissage.

          • Il faut morceler stratégiquement l'information à absorber.

          • Faire une étape à la fois (objectifs SMART: Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes, Temporels).

        • Combiner l'utile (ex. les responsabilités d'étude) à l'agréable: se lancer dans des projets qui vous animent et qui appuient vos objectifs, mais qui vous font surtout aussi plaisir. Ceci permet de mieux adapter ses études à votre façon d'être, à votre réalité, à vos forces, à votre besoin de diversifier votre journée car tout le monde ne peut pas faire déjeuner-études-diner-études-souper-études.

          • Étudier avec des amis, collèges de classe

          • Faire des stages d'observation/pratique en clinique et lire "autour des cas". Votre étude devient alors plus pertinente et l'information apprise s'intégrera mieux dans votre mémoire.

          • Étudier autour des cas pour mieux comprendre la pertinence des objectifs de formation (Série "Case Files")

          • Se créer une base de connaissances (wiki) à partager avec les autres pour le bien commun et pour apprendre ensemble

          • Voir des vidéos Youtube sur un sujet d'étude avant de se lancer dans des lectures plus arides...

        • Se récompenser seulement une fois qu'un objectif d'étude est complété (renforcement positif)

          • "Je sors avec mes amis, je joue aux jeux pour me récompenser, je prends une pause, je magasine ou je dépense l'argent durement gagné une fois que j'aurai fini mon travail qui est de fournir l'effort d'étude que je m'étais promis". Il s'agit d'être son propre patron bienveillant.

          • Se lancer des défis d'études et prévoir d'avance sa récompense

        • Organisez vos pensées, vos idées, vos connaissances, vos interrogations avec des "mindmaps/wiki". Je recommande l'utilisation d'outils informatiques contemporains très accessibles: www.notions.so. Voici comment un étudiant en médecine en Angleterre a su bien profiter de cet outil durant ses études en médecine.

  • Ne pas attendre à demain, faire immédiatement si possible, surtout si la chose est déplaisante pour pouvoir s'en débarrasser et ne pas renforcer des chamanismes d'évitement et de procrastination. Éviter que les lacunes dans vos connaissances ne s'accumulent.

  • Planifiez plus de temps pour étudier les sujets dont vous avez moins d’intérêt ou moins de facilité, et passez moins de temps sur les sujets avec lesquels vous êtes à l’aise.

  • Commencez à révision tôt. Évitez la procrastination car on apprend mal en urgence. Le cerveau a besoin de temps pour bien emmagasiner et intégrer l'information fraichement apprise.

  • Planifiez votre temps d’étude. Prenez 10 minutes de pause à chaque heure, et dormez un nombre suffisant d’heures, car cela permet un transfert plus important de l’information de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme.

    • Cet app peut vous aider à encadrer vous études selon ce principe de segmentation de votre temps d'étude: Fabulous

  • Faites des groupes d’études; faites des présentations entre vous pour identifier les lacunes dans ses connaissances. "If you want to master something, teach it. The more you teach, the better you learn. Teaching is a powerful tool to learning."

3. Distorsion cognitive: auto-critique et auto-dénigrement: "Je ne suis pas assez bon"

    • Suggestion: il faut dès maintenant vous rappeler ce nouveau standard qui saura vous protéger le reste de votre carrière car vous serez à risque d'un épuisement professionnel: "Je fais du mieux que je peux, c'est le plus que je puisse faire. Je suis déjà content de savoir ce que je sais. Mon objectif pendant cette première étape de mes études en médecine c'est de bien comprendre les fondements. Je vais tenter d'apprendre encore plus, mais mes études ne se terminent pas demain."

Success is not final, failure is not fatal: It is the courage to continue that counts.(Winston S. Churchill)

4. Distorsion cognitive: la vulnérabilité est néfaste: "je dois cacher ma vulnérabilité, personne ne doit savoir que j'ai des doutes sur mes compétences ou que j'ai des difficultés. Je serai mieux nanti si je continue à cacher mes lacunes."

    • Suggestion: avouer à soi-même sa vulnérabilité est la première avant de l'avouer à une autre personne de confiance, qu'elle soit un professionnel ou non. Si vous n'êtes pas à l'aise à cette idée de vous dévoiler, il est évident que vous ne voudrez pas partager votre secret à quiconque. Ceci est peut évidemment être très sain et justifié. Par contre, votre hésitation ne devrait pas durer trop longtemps, car votre peur de l'opinion et du jugement de l'autre se transformera rapidement en phobie. Sans moyen d'être évacuée ("outlet") et digérée, votre phobie devrait s'accroitre et vous serez encore plus inhibé à l'idée de vous dévoiler. Ce n'est jamais trop tard. Personne n'est parfait. Un professionnel compétent, bienfaisant et compréhensif ne vous blâmera pas d'avoir recruté tout votre courage pour faire la bonne chose: de partager votre mal-être avec quelqu'un pour qu'elle puisse vous soutenir et vous aider. Partager vos vulnérabilités est un geste de courage et probablement une étape incontournable à votre mieux-être actuel et futur. Votre futur vous-même sera reconnaissant du courage que vous avez eu à ce moment-ci pour vous désembourber d'une situation difficile. À demander du soutien, vous prenez le taureau par les cornes.

Si vous cherchez de l'aide professionnel: rappelez vous que lorsque vous pratiquerez comme médecin, vous demanderez que vos patients soient totalement francs et directs dans l'histoire de leur maladie. Vous leur demanderez d'être vulnérable durant le temps de la consultation médicale. Vous vous mettez maintenant dans la peau de ce patient à qui vous demanderez d'être courageux et d'avoir confiance en vous, ce médecin bienveillant. Nous vous demandons la même chose et nous vous remercions d'avance pour votre confiance en notre bienveillance. Ainsi, avouer sa vulnérabilité est une étape essentielle aux soins, au soutien et à la résolution de problème sans compter que cela permet d'établir une meilleure alliance thérapeutique. Le soignant n'aura pas de peine à reconnaitre l'effort que vous avez consenti à vous dévoiler, pour être vulnérable et saura honorer votre confiance par le meilleur soutien possible.

5. Distorsion cognitive: la médecine est une compétition: "mieux vaut ne pas partager ou collaborer. Je gagne à être discret et méfiant. Je devrais continuer à faire voyage seul si je veux gagner"

    • Suggestion: Si vous êtes convaincu par cette façon de penser et d'interagir, il sera difficile de vous convaincre du contraire jusqu'au moment où vous vous questionnerez sur l'efficacité d'un tel fonctionnement. Vous voudrez alors tenter de modifier votre modus operandi, car l'ancien ne semblera plus adapté aux demandes. Or la demande est que vous devrez apprendre beaucoup en un temps limité et la collaboration/coopération sembleront indispensables. Votre logique sera bonne.

Ainsi, si vous avez peu de temps pour élaborer un banquet, il est préférable de morceler la tâche, de partager ces morceaux avec d'autres personnes de confiance. On appelle cela déléguer. Eh oui, lorsqu'on ne maitrise pas un sujet et qu'on demande à son collègue de nous l'expliquer parce qu'on sait qu'il/elle est délibérément devenu expert du sujet suite à une ségrégation préalable du travail en équipe, il s'agit là d'une délégation d'une partie de l'étude. Il ne sera évidemment pas possible ni même bénéfique de tout "sous-traiter" l'étude, mais vous trouverez certainement beaucoup d'avantages à le faire dans une juste proportion. À votre tour, vous viendrez en aide aux autres membres de votre équipe d'étude grâce à votre érudition sur les sujets qui vous auront été attribués lors du morcellement du contenu d'étude ou des objectifs d'études.

Ce travail d'équipe dès le début de vos études tissera fort probablement des liens d'amitié durables, car vous partagerez non seulement des connaissances, mais toute l'expérience des études. Vos périodes d'études seront possiblement ponctuées par des pauses plaisantes, sorties, soupers et récompenses du vendredi. Avec les années vous peaufinerez votre façon de travailler en équipe, de communiquer, de collaborer, de déléguer, de négocier, de résoudre des problèmes, de parer aux imprévus en équipe. Vous aurez l'expérience qu'il faut pour travailler naturellement et efficacement en équipe interdisciplinaire durant votre résidence et votre carrière. Vous verrez comment le travail d'équipe, lorsque harmonieux, bien organisé et lorsqu'il bénéficie de l'engagement de toutes les membres, améliore de beaucoup l'efficacité et rend les études beaucoup plus plaisantes. Vous verrez comment le travail d'équipe promeut l'innovation, les nouvelles perspectives, l'entraide, l'altruisme, l'empathie et évidemment la confiance mutuelle. La coopération en équipe devrait ainsi dissoudre la méfiance et la compétition qui mine la culture des études en médecine. En médecine, il faut s'unir pour mieux soigner.

6. Distorsion cognitive: on n'est jamais mieux servi que par soi-même: "je dois me fier que sur moi-même durant mes études"

    • Suggestion: en médecine, vous êtes entourés par d'autres étudiants également très motivés, déterminés, studieux et qui veulent très bien faire. Bien que vous pourriez naturellement avoir la crainte de déléguer, peut-être est-ce au contraire les autres qui doutent davantage de votre fiabilité et préfèreraient ne pas investir leur confiance en vous ou en quiconque. Le fait est qu'il faudra l'essayer pour le savoir. Vous serez sans doute étonnés. Cet étonnement devrait être un remède à la méfiance qui peut planer durant toutes les études en médecine pour lesdites raisons. Se permettre d'avoir confiance, de s'entendre sur de hauts standards et partager des responsabilités est très libérateur. Le fardeau que vous pensiez être le seul à pourvoir porter peut maintenant être partagé. Le fardeau que l'autre pensait être le seul à pourvoir porter peut maintenant être partagé avec vous. Vous serez reconnaissant, l'autre le sera aussi. Ainsi nait la confiance, la complicité et une coopération productive. À opérer en équipe vous bénéficierez de perspectives supplémentaires qui élargiront votre champ vision et enrichiront/consolideront vos conceptions des choses. Les mésententes mèneront - espérons-le - à la discussion constructive et non pas à la dissolution. Vous apprenez ainsi à faire équipe avec des partenaires de soins, en l'occurrence des collègues, mais éventuellement ces partenaires de soins seront vos patients. Vous saurez maintenir un partenariat avec ceux-ci même s'ils n'appliqueront pas toujours vos recommandations médicales...

De toute façon, la pratique de la médecine s'opère en équipe et il est impossible de tout contre vérifier ou tout contrôler. Il est très utile de se pratiquer à déléguer et avoir confiance en les autres dès le début des études en médecine. Il y aura des fautes et des attentes non-comblées de part et d'autre. Ces anicroches devront être résolues: certaines alliances devront être dissoutes, certains autres devront être renforcées ou remédiées. Ainsi va la pratique de la médecine. Il est impossible d'opérer en solo. Vous ne serez pas pharmacien, infirmière et médecin en même temps.

7. Distorsion cognitive: soigner les autres implique le sacrifice de soi: "je dois plaire, je dois me faire aimer, je dois discriminer mes besoins pour le profit de l'autre"

    • Suggestion: le sacrifice n'amène ni la santé, ni le bonheur. Il génère à ses débuts un sentiment de fierté, d'héroïsme, de mérite, du devoir accompli, d'un extraordinaire défi qu'on a étonnamment su relever. À moyen et long terme, il se transforme en sentiment de culpabilité (sentiment qu'on n'a pas réussi à respecter un devoir, en l'occurrence, une responsabilité auto-imposée), puis en amertume (être en colère contre soi-même pour s'être imposé trop de responsabilités, sinon contre autrui sur qui on aura projeté la responsabilité de notre mal-être: ie un chef qui nous aurait donné trop de travail/responsabilités). Voici une éloquente explication d'une autorité dans le domaine de la résilience, Dre Rachel Thibeault PhD, qui compare les deux approches diamétralement opposées devant l'adversité de mère Térésa et de Nelson Mandela: https://youtu.be/_sNn4zNDrQM

Être un superhéros sauveur ne rend donc pas heureux non plus à long terme. Il faut donc se méfier de l'identité qu'on veut s'attribuer ou que notre entourage ou la société projette sur nous. À trop s'invertir dans un seul rôle/identité, on risque de s'y embourber et évidemment de perdre l'équilibre indispensable à son bien-être à long terme.

Penser aux autres, c'est d'abord penser à soi. Soigner les autres, c'est d'abord se soigner. Voilà l'essence de ce site web: www.monbienetreavant.ca. On ne soigne pas par le sacrifice de soi. La sacrifice étant un engagement désintéressé à long terme, on peut s'engager et s'investir à 120% momentanément sans pour autant se sacrifier.

8. Distorsion cognitive: la culpabilité est un sentiment inévitable en médecine: "je suis coupable d'avoir pas assez étudié, je suis coupable d'avoir fait des erreurs, je suis coupable de ne pas avoir assez travaillé, je suis coupable de ne m'être pas sacrifié comme les autres..."

    • Suggestion: certaines personnes croient que la culpabilité favorise la responsabilité et l'engagement en plus de transcender l'égocentrisme. Elles n'ont pas tort, mais cette culpabilité est un sentiment négatif dérivé de la colère et du sentiment d'impuissance. Bien que mobilisatrice, c'est une énergie négative qui opère en demandant à son hôte de s'en débarrasser. C'est donc via un mécanisme de renforcement négatif que la culpabilité motive: la personne qui se sent coupable cherche à éviter ce sentiment négatif par des actions positives, tel le travail et le dépassement de soi. La culpabilité agit en piquant. À long terme, cette énergie négative épuise, irrite et détruit les sains mécanismes psychologiques qui devraient opérer selon un mécanisme de renforcement positif: faire des choses par plaisir, par intérêt, pour des récompenses plaisantes.

Le sentiment de culpabilité est donc très nocif à long terme. Dans aucune situation la culpabilité n'est inévitable, que ce soit en médecine ou ailleurs. Personne ne devrait être exposé à ce corrosif émotionnel. Pour y arriver, il s'agit surtout de le prévenir: soulager cette idée qu'il faut se sacrifier, se surmener et s'oublier pour devenir ou être un bon médecin, être digne de cette identité. En se rappelant constamment l'adage "je fais du mieux que je peux" , on devrait réussir à se soulager de cette culpabilité de ne pas en faire assez. On devrait apprendre à "être serein et faire du lâcher prise" dans toutes les situations possibles tout en maintenant la plus haute éthique et standard de pratique/d'étude.

L'erreur est humaine, n'en déplaise à certain. "Je maintiens le droit d'avoir une vie équilibrée pour mon bien-être, je maintiens mes droits/libertés fondamentaux de décision et d'autodétermination tout en étant soucieux de mes responsabilités envers la société. J'ai le droit de ne pas me sacrifier" (affiche MD masculin, affiche MD féminin)

9. Distorsion cognitive: la société définit mon travail, ma vie...: "je dois répondre aux incessantes demandes et attentes des autres"

    • Suggestion: La médecine est une vocation. Elle représente donc typiquement beaucoup pour le médecin, parfois toute sa vie. Les demandes, les échéances et les attentes sont si hautes qu'il devient facile pour le médecin de perdre le contrôle et crouler sous le fardeaux des responsabilités. Ceci se produit surtout lorsqu'il oublie ses propres priorités et/ou s'il ne se rend pas compte de certaines aberrations qui s'installent insidieusement dans sa pratique: a) accroissement de la charge de travail sans accroissement des ressources, soit surtout du temps et du personnel de support b) accroissement des responsabilités administratives (ie: formulaires à remplir, tâches cléricales qui ne relèvent plus de l'agente administrative notamment dans le contexte du télétravail, etc...). En effet, les médecins n'ont jamais autant rempli de formulaires depuis que c'est la mode de tout déléguer les décisions importantes concernant le patient au médecin: note médicale pour justifier un arrêt de travail, pour demander des accommodations, pour autoriser une police d'assurance, pour déterminer la capacité à...

Le médecin n'a pas la capacité de tout déterminer pour son patient, ni est-ce une responsabilité qu'il voudrait s'approprier. Voici donc un changement insidieux qui s'est opéré dans la profession depuis des années et qui donne le sentiment que la société détermine son rythme de vie. Puisque le médecin est redevable à la société « au salaire qu'on le paie », il pourrait se sentir coupable ou impuissant tout en étant en otage s'il ne se rappelait pas de ce simple et salutaire adage: "je fais du mieux que je peux ne t'en déplaise".

10. Distorsion cognitive: l'énormité de mes responsabilités m'empêche d'arrêter: "mes patients dépendent de moi, je ne peux pas m'arrêter"

    • Suggestion: Dialogue entre un médecin en détresse (patient) et son médecin

MD: Votre santé est aussi importante que celle de vos patients. Si vous étiez victime d'un accident de voiture vous vous arrêteriez...

Patient: Si j'étais obligé d'arrêter pour des raisons physiques ou somatiques tel un accident, je n'aurais pas le choix que d'arrêter et je le ferais...

MD: Il est également possible de ne pas avoir le choix que de prendre soins de sa santé mentale. Je comprends que vous m'exprimez vos difficultés sans considérer l'option d'un arrêt de travail. Je vous écoute et je respecte vos souhaits. Étudions l'option que vous ralentissiez, que vous preniez une pause pour éviter une crise majeure ou toute intervention radicale tel un arrêt total pour burn-out. Nos principes d'interventions précoces nous dictent justement à agir et à prendre au sérieux les premiers signes avant-coureurs d'un problème majeur qui s'annonce. De nos jours, on ne requestionne plus l'importance de soigner un cancer à ses premiers stades. Le même principe s'applique en santé mentale à moins que vous vouliez perpétuer le stigma en santé mentale et la discrimination des personnes qui en souffre. Vous êtes d'accord que toutes interventions en urgence lorsqu'on n'a plus le choix sont moins intéressantes que les interventions précoces d'allure facultative. Profitons du fait que ce ne soit pas encore une situation urgente pour adopter immédiatement des résolutions de santé. Permettez-moi de vous guider...

Sans vouloir mettre en doute la valeur de votre travail comme médecin, je vous rappelle que la Terre continuera à tourner à la même vitesse sans broncher même si vous et moi ne pouvions plus remplir nos responsabilités de médecin peu importe leur énormité...



B) S'attarder aux aspects pratiques du mieux-être: la gestion du stress au quotidien

Ceci est une prescription détaillée d'hygiène de vie, le 4e piliers des soins selon le modèle des 4 piliers: les responsabilités et ce que la personne peut faire pour son mieux-être. Il s'agit souvent d'aspects pratiques au mieux-être. Le bien-être et le rétablissement ne peuvent exister que s'il y a un engagement dans de saines habitudes de vie. Autrement dit, il faut s'activer pour se rétablir: physiquement, socialement, mentalement et "occupationnellement". L'image produite par l'outil devient une prescription, des devoirs pour son propre bien-être. Les "pétales" de l'image suggèrent des actions concrètes, tangibles et atteignables au bien-être (ie: objectifs SMART). La personne a un plan, sait qu'elle a un contrôle, sait ce qu'elle peut faire pour son bien-être. Le plan rassure et redonne de l'espoir, surtout s'il est presque infaillible. Prendre soins de soi ne devrait pas causer de tort. L'outil favorise le concept d'auto-traitement, d'auto-soin rationnel. C'est probablement l'outil/l'image le plus utilisé en pratique à la Clinique du Dr Minh. Notre expérience est que cet image permet un meilleur suivi, l'établissement de "saines attentes" provenant du médecin à l'égard de la personne et vice-versa. Le modèle sied bien au contexte des soins à soi-même.

Stratégies psychologiques et pratiques proposées dans la littérature:

L. Dyrbye and T. Shanafelt. 2016. A narrative review on burnout experienced by medical students and residents. Med Educ, 50, 1, 132-49



Autres aspects pratiques plus spécifiques aux médecins et étudiants en médecine



C) S'attarder aux aspects philosophiques et existentiels du mieux-être: les moyens pour retrouver sa liberté, un sens et un sentiment de contrôle

La pratique nous enseigne qu’aborder les aspects classiques du modèle de soins biopsychosociaux, soit la Pharmacolothérapie, la Psychothérapie et les aspects Pratiques (soutien social, administratif, financier…) des soins, ne suffit pas. Ainsi, cet outil permet de représenter les éléments du 4e P du “modèle des 4 Ps” communément appelé le “modèle des 4 piliers”: Pharmacothérapie, Psychothérapie, moyens Pratiques, Philosophie. En pratique nous parlons de principes de vie, d’hygiène philosophique pour être bien, libre et en paix: 1) Vivre le moment présent 2) Prioriser. Se donner du temps 3) Cultiver la confiance, la compassion et la gratitude 4) Maintenir une discipline de simplicité et d’humilité 5) S’engager, être responsable, se respecter, s’aimer. Ces thèmes d’ordre philosophique et d’attitude de vie ont été, pour la plupart, repris par des écoles de psychothérapie telle la Pleine Conscience et la psychothérapie d’acceptation et d’engagement (Acceptance and Commitment Therapy, ACT). La souffrance ne peut pas toujours attendre un rendez-vous avec un professionnel spécialisé, en l’occurrence un psychologue spécialisé en ACT, pour se soulager. L’outil vise donc à démocratiser le sujet et aider le soignant à l’aborder de façon très pratique et au bon moment avec la personne.

Il n’est pas toujours évident d’élaborer sur ce sujet à moins que le professionnel ait lui-même déjà réfléchi sur ces principes philosophiques fondamentaux de vie. Voici donc quelques idées pour démarrer:

1) Vivre le moment présent: la vie se déroule partout dans l’Univers à l’instant même. Le passé est passé et ne devrait plus importer. Le futur n’est pas encore décidé, pas encore écrit. Profitons du moment présent.

2) Prioriser. Se donner du temps: Prioriser ses différentes aspirations et responsabilités pour se prioriser. Lorsque la personne va moins bien, la réponse est souvent au niveau de “se prioriser, prendre le temps pour soi”, prendre une pause pour réfléchir, faire le point…

3) Cultiver la confiance, la compassion et la gratitude: la confiance en soi, la confiance en les autres (le “L” du Lien social du modèle des AiLES) et la confiance en l’avenir ce qui signifie avoir espoir (le “E” de l’Espoir du modèle des AiLES). Avoir surtout de la “compassion pour soi” lorsqu’on va moins bien signifie “s’aimer” (le 5e élément de cette liste). L’humilité et la gratitude vont de pair. Ces deux sujets s’accordent avec cette compassion indispensable à l’amour de soi, au lâcher prise, au “Ce n’est pas la fin du monde…”, au “Rappelle-toi ce qui est vraiment important pour toi, pour ton âme. Rappelle-toi ta réelle mission…”

4) Maintenir une discipline de simplicité et d’humilité: la vie est compliquée, la simplifier aide la personne à se recentrer, à apprécier ce qui est réellement important dans la vie, à embrasser une attitude d’humilité et la gratitude

5) S’engager, être responsable, se respecter, s’aimer: c’est ici l’objectif ultime: s’aimer. Pour y arriver il faudra s’engager dans tous les aspects de soins et de la vie (les 4Ps), prendre ses responsabilités, donc “éviter de faire de l’évitement”, se respecter, penser à soi, prioriser sa santé…



Offrir des soins à un soignant est souvent un défi pour beaucoup de raisons déjà mentionnées. Notre principal outil d’intervention est la relation thérapeutique, notre compréhension de la personne et notre capacité à inspirer confiance pour que celle-ci investisse sa confiance en nous. La personne, en l'occurrence le soignant en détresse, doit rapidement reconnaître les avantages de cet investissement et veuille continuer à nous partager son vécu particulier au risque d’être étiquetée comme “malade, inadéquate, inapte ou inadaptée”. Il est essentiel d’être explicite sur le contexte et les attentes de la relation thérapeutique tôt dans les premières rencontres avec la personne pour soulager les sous-entendus et le stress “de devoir bien paraître” devant des professionnels. Ceci peut être très intimidant et décourager la personne à partager le fond de sa pensée dont elle peut être embarrassée.

Aborder uniquement des éléments bio-psycho-sociaux du bien-être ne suffit pas. L'être humain, le médecin, a besoin de plus que des "ingrédients" ou "des problèmes résolus" pour être bien, il a besoin de sens. Aborder uniquement éléments bio-psycho-sociaux ou les problèmes de façon factuelle avec une approche TCC est inadapté et ne fait pas justice à la difficulté que vit le médecin. En plus de ses difficultés socio-practico-administratives, il vit probablement un tourment existentiel qui ne peut être "remédié" par une approche cartésienne. L'approche doit être humaine et expérientielle, notamment dans la relation d'aide.

Les AiLES permettent d’aborder rapidement des éléments existentiels universels bien plus intéressants de l’expérience humaine: Autodétermination, Identité, Lien social, Espoir, Sens (incluant la Spiritualité). Ce cadre permet au soignant de démontrer toute sa compréhension, sensibilité et empathie devant la souffrance que la personne a osée dévoiler. Les objectifs de la personne ne diffèrent guère de ceux du soignant: que la personne prenne son envol, soit bien, autonome et libre. Une discussion sur les AiLES rappelle à la personne que les soignants proposent des soins sensés, qu’ils sont sensibles à ses préoccupations existentielles réelles, qu’ils ne sont pas là simplement pour juger ses croyances et son vécu et qu’ils sont autant que lui/elle animé d’humanité. Discuter des AiLES renforce donc le lien thérapeutique et introduit bien les autres aspects très pratiques du rétablissement tels que les éléments des 4 piliers de soins et de la fleur de l’hygiène de vie


Référence: Leamy, M., et al. (2011). Conceptual framework for personal recovery in mental health: systematic review and narrative synthesis. British Journal of Psychiatry, 199(06), 445-452. “CHIME” traduit par “AiLES”, Ngo-Minh, T. (2018). Des outils informatiques pour mieux expliquer la psychose et engager la personne dans ses soins, 12e JIPEJAAD Journées internationales de pathologies émergentes du jeune adulte et de l’adolescent, Paris, 26 mars 2019.


Voici une courte présentation pour mieux comprendre ces sujets: modèle holistique de soins: les 4Ps et le principe des AiLES du rétablissement.



Autres aspects philosophiques/existentiels plus spécifiques aux médecins et étudiants en médecine

  • Le sens du mot "réussir"

  • Le sens de "prendre soins de soi et de son bien-être"

  • Le sens de ce qu'est "un équilibre et une vie balancée"

  • L'importance chercher et d'atteindre un équilibre, une vie balancée

  • L'importance de la discipline pour y arriver

  • L'importance de comprendre et reconnaître la pression de la performance

  • L'importance de mettre des limites, de savoir comment gérer les opportunités - il en a beaucoup en médecine

  • L'utilité de la vulnérabilité, de l'imperfection, de la compassion envers soi-même

  • L'importance d'avoir confiance en soi et en la vie

  • L'importance de la confiance en les autres, la collégialité, la coopération, l'entraide plutôt que la compétition et le clivage

  • L'importance de cultiver l'humilité

  • L'importance de simplifier la vie

  • L'importance de l'affirmation, de la prise de risque

  • L'importance de la communauté, de la présence de l'autre, du soutien collégial, familial, social et professionnel

  • L'importance de se remettre en question, de prendre le temps de réfléchir et d'avoir le courage de changer certaines de ses habitudes

  • L'importance de prendre des risques, de pratiquer l'acceptation et le lâcher prise, de se permettre de vivre des difficultés

  • L'importance de prendre le temps, de vivre le moment

  • L'importance de faire le point sur son existence, de se demander ce qui est vraiment important dans sa vie ou à ce moment-ci selon sa situation

  • L'importance de s'accepter comme on est - vulnérabilité, mythe du superhéros sauveur





Répertoire d'outils web pour se réapproprier sa liberté, un sens existentiel et un sentiment de contrôle

Divers outils pour aborder le lâcher prise, la priorisation, la recherche de solutions (TCC)l, a prise de décisions, l'action, l'affirmation, l'autoévaluation...

Le texte doit être adapté.

Le texte doit être adapté